Ils sont petits, secs, dorés, presque jolis. Et pourtant, les épillets sont devenus le cauchemar de nombreux propriétaires de chiens et de vétérinaires, surtout entre mai et septembre.
On les trouve dans les herbes hautes, les talus, les bords de chemin… y compris dans des zones urbaines comme Genève. Invisibles au premier abord, ils peuvent pourtant provoquer des infections graves, douloureuses et parfois nécessiter une opération chirurgicale.
Dans cet article, on fait le point sur ce problème saisonnier sous-estimé, et surtout, comment protéger les animaux tout en respectant la nature autour de nous.
C’est quoi exactement, un épillet ?
L’épillet est une inflorescence sèche issue de certaines graminées, comme l’avoine sauvage ou le brome.
Quand l’herbe monte et se dessèche, ces petits épis se détachent et s’accrochent aux poils, aux chaussettes… ou aux pattes de nos chiens.

Jusque-là, rien d’exceptionnel. Mais le problème, c’est leur forme en harpon : une fois enfoncés dans la peau, ils avancent… mais ne ressortent jamais.
Résultat : ils peuvent :
- pénétrer sous la peau (souvent entre les doigts)
- remonter dans l’oreille
- s’enfoncer dans l’œil
- atteindre les voies génitales ou le nez
Une fois entrés, ils peuvent provoquer :
- abcès, boiteries, inflammations
- infections internes
- perforation de tympan, œil ou poumon dans les cas extrêmes

À Genève, les épillets posent un réel problème
On associe souvent les épillets aux grands champs secs de campagne. Mais à Genève, ils sont bien présents :
- dans les espaces verts non tondus régulièrement
- dans les zones naturelles urbaines
- sur les talus, les terrains vagues ou bords de piste cyclable
- dans les parcs publics, politique de végétalisation oblige
- et même dans les parcs à chien, faute d’entretien voire de découpe sans ramassage !
Et avec les politiques d’entretien différencié (que nous soutienons par ailleurs), il faut aussi savoir cohabiter intelligemment avec ce type de végétation spontanée.
Quels animaux sont les plus concernés ?
- De prime abord, les chiens à poils longs ou frisés, surtout ceux qui adorent se rouler dans l’herbe (goldens, cockers, griffons, bichons, labradors…) mais tous les canidés sont évidemment concernés.
- Les chats sortant régulièrement, surtout les curieux ou les chasseurs
- Les chiens de travail ou de sport, qui parcourent de longues distances dans des milieux secs
Ce n’est finalement pas tant une question de race, que de mode de vie et de vigilance !
Comment repérer les signes d’un épillet ?
Voici quelques signes à surveiller après une promenade :
- Votre chien se secoue la tête de façon inhabituelle ?
- Il boîte subitement ?
- Il se lèche frénétiquement une patte ?
- Il éternue violemment et sans arrêt ?
- Il a un œil rouge ou partiellement fermé ?
- Un gonflement douloureux apparaît entre les doigts ou à l’aine ?
Si l’un de ces signes apparaît après une balade dans une zone herbeuse, mieux vaut consulter un vétérinaire sans attendre.

Prévention : les bons gestes à adopter
En milieu urbain comme ailleurs, on peut réduire considérablement le risque. Voici comment :
Avant la promenade
- Privilégier les chemins tondus et dégagés (même en ville)
- Éviter les herbes sèches montées en épis
- Si ton chien est sujet à ça : coupe les poils entre les coussinets et autour des oreilles
Pendant la promenade
- Garde un œil sur les zones herbeuses, talus et bords de route
- Privilégie les parcs régulièrement entretenus ou les chemins ombragés
- Rappelle ton chien s’il commence à explorer une zone à risque
Après la promenade
- Inspecte les pattes, oreilles, museau, aine et sous la queue
- Passe un gant humide ou une brosse douce
- Garde l’œil ouvert pendant 24 à 48h pour tout comportement anormal

Que faire pour limiter la prolifération des épillets en ville ?
En milieu urbain, on ne choisit pas toujours la végétation qu’on côtoie. Pourtant, certaines actions simples peuvent potentiellement faire la différence — pour prévenir les risques sans nuire à la biodiversité.
À l’échelle des citoyen·nes
Même sans jardin, chacun peut agir :
- Identifier les zones problématiques : friches non entretenues, talus urbains, abords de pistes cyclables, etc.
- Signaler les cas préoccupants à sa commune ou à l’office des espaces verts (ex. : si un sentier piéton ou un parc très fréquenté est envahi)
- Partager l’information dans son quartier : en copropriété, via des groupes de voisinage, ou sur les réseaux sociaux locaux
- Proposer des aménagements intelligents lors de consultations publiques (tonte ciblée, cheminements clairs, etc.)
- Arracher les épillets à leur base pour éviter leur prolifération (en évitant surtout de les laisser traîner)
À l’échelle des communes:
Même si elles semblent délibérément (ou non) l’ignorer, les pouvoirs publics ont un rôle majeur à jouer :
- Entretenir plus régulièrement les zones de forte fréquentation canine
- Diversifier les coupes et les types de végétation (les herbes hautes ne posent pas toujours problème si elles sont choisies avec soin)
- Créer des espaces de liberté canins bien conçus, loin des zones à risque, avec ombre, eau et sol praticable
- Installer des panneaux de sensibilisation pendant la période critique (mai–septembre)
- Impliquer les associations locales de quartier ou de protection animale dans la gestion des espaces verts
Le but n’est évidemment pas de “raser” tous les talus, mais bien de gérer intelligemment les végétations spontanées dans les zones sensibles, sans sacrifier ni la biodiversité… ni la sécurité.
Et si on végétalisait autrement pour limiter les épillets ?
Plutôt que de vouloir tondre à tout prix, laisser pousser à tout prix ou éradiquer chaque herbe spontanée, une piste plus intelligente consiste à favoriser les plantes qui freinent naturellement la prolifération des épillets.
Certaines espèces végétales — rustiques, basses et couvrantes — occupent le sol de manière plus équilibrée, empêchant les graminées invasives (comme les bromes) de s’installer.
Des plantes utiles, jolies… et stratégiques
En voici quelques-unes, parfaitement adaptées à nos climats, qui pourraient remplacer les herbes problématiques dans les zones à risque :
Plante | Avantage |
---|---|
Trèfle blanc nain | Couvre-sol dense, fixateur d’azote, résistant au piétinement |
Achillée millefeuille | Floraison discrète, attire les pollinisateurs, pousse sur sol pauvre |
Fétuque ovine | Graminée ornementale non invasive, esthétique |
Thym serpolet | Rase, aromatique, résistante à la chaleur |
Sédums rampants | Idéaux pour les talus secs ou les bords de chemin |
Millepertuis commun | Tolérant et très structurant dans les mélanges naturels |
Ces plantes ne sont pas “magiques”, mais elles permettent de créer un couvert végétal fonctionnel, qui :
- empêche les épillets de dominer
- limite les besoins d’entretien
- valorise la biodiversité utile
Une idée à creuser pour Genève ?
Certaines communes en Suisse alémanique expérimentent déjà ce type de végétalisation stratégique, notamment sur les bords de route ou dans les espaces de transition.
Genève pourrait s’en inspirer — et pourquoi pas co-construire ces aménagements avec les associations de quartier et les défenseurs du vivant ?
Pourquoi les épillets pullulent-ils autant en ville ?
C’est un paradoxe troublant : à Genève, les épillets se font omniprésents dans certains quartiers urbains, alors qu’on les rencontre beaucoup moins dans certaines communes périphériques — comme Satigny, Bernex ou Cartigny.
Pourquoi cette différence ? Plusieurs facteurs se conjuguent :
Des tontes “ni faites ni assumées”
En ville, on observe souvent des zones semi-entretenues :
- des zones tondues quelque fois par an (pas assez tout du moins pour prévenir les épillets, trop pour laisser pousser autre chose),
- des friches laissées volontairement “naturelles”… sans choix des espèces végétales,
- ou des espaces verts dont l’entretien est manifestement externalisé, sans véritable suivi écologique.
Résultat : ce sont souvent les plantes les plus rustiques et opportunistes qui s’installent. Dont les graminées à épillets.
Une biodiversité urbaine… subie
Contrairement à certaines zones périurbaines agricoles où le fauchage est régulier ou où le sol est mieux contrôlé, la ville multiplie les micro-habitats déconnectés (bordures de route, interstices, “micro-forêt”, et même les parcs à chien…) que les bromes et autres herbes sèches colonisent sans concurrence.
Et comme aucun couvert végétal alternatif n’est planté, ce sont eux qui dominent.
Une gestion différenciée encore trop théorique
Si Genève s’est engagée sur le papier dans une gestion différenciée de ses espaces verts, la mise en œuvre reste partielle, voire confuse :
- absence de coordination entre services,
- et très peu de stratégie sur les espèces favorisées ou tolérées.
Dans certaines communes de périphérie, au contraire, l’entretien est plus régulier ou mieux pensé, parfois en lien avec des politiques agricoles locales. Ce qui limite, sans l’éradiquer, la propagation des épillets.
Une parole engagée au cœur du sujet
Dans ce contexte, notre présidente a récemment été interviewée dans le cadre d’un court reportage consacré à la problématique des épillets à Genève.
Elle y rappelle combien ce sujet — trop souvent perçu comme anecdotique — illustre en réalité les tensions entre nature spontanée, gestion urbaine et bien-être animal.
À travers cette intervention, Nature Montbrillant continue d’agir pour une ville plus attentive, plus vivante… et plus cohérente.
Conclusion : un simple brin d’herbe… qui nous interroge
Les épillets, à première vue anodins, révèlent en réalité un déséquilibre plus large dans notre manière de gérer l’espace urbain. Ils nous rappellent que la nature n’est ni propre, ni décorative — elle est vivante, complexe, parfois contraignante… mais jamais sans valeur.
À Genève, ce phénomène est l’occasion de poser de vraies questions :
- Pourquoi certains espaces sont-ils laissés “à moitié sauvages” sans stratégie ?
- Comment mieux concilier biodiversité et sécurité pour les animaux ?
- Et surtout : peut-on faire cohabiter humains, chiens et herbes folles sans tension ?
Plutôt que de tout tondre ou tout laisser faire, il existe des alternatives simples, intelligentes, concertées — des plantes plus utiles, des entretiens mieux pensés, des habitants mieux informés.
Car au fond, le défi n’est pas de lutter contre un épi sec… mais d’apprendre à cultiver une ville plus vivable, pour toutes les formes de vie.
Pour aller plus loin
- Les épillets: un véritable danger pour notre chien
- L’épillet chez le chien
- Comment enlever un épillet chez votre chien ou chat