Skatepark de Montbrillant : urbanisme ou nature?

À Genève, la parcelle 7514 du quartier Montbrillant se retrouve au cœur d’un débat bien plus vaste qu’il n’y paraît : faut-il y construire un skatepark, au risque de faire disparaître un précieux îlot de biodiversité ?

Ce projet, bien qu’ancré dans une réalité locale, est loin d’être anodin. Par son envergure et les moyens mobilisés, il incarne les tensions croissantes entre développement urbain et préservation des derniers espaces naturels en ville.

Un projet sportif… au mauvais endroit ?

La volonté de créer un skatepark à Montbrillant part d’une intention louable : offrir aux jeunes un lieu d’expression, de mouvement et de liberté.

Mais voilà, l’endroit choisi n’est pas neutre. La parcelle visée est l’un des rares espaces naturels encore préservés dans un quartier très densifié et particulière chaud en période estivale. Arbres matures, sol vivant, présence d’insectes et d’oiseaux : c’est un véritable petit refuge pour la biodiversité locale.

Construire un skatepark à Montbrillant est-il réellement la solution, alors que des alternatives existent déjà à proximité ? Pourquoi ne pas rafraîchir les structures existantes, comme celui de Chateaubriand, qui pourrait facilement répondre à ces besoins, et ce, sans occuper un espace naturel précieux?

Il convient également de souligner que le skatepark de Plainpalais est situé à seulement 10-15 minutes de Montbrillant. Pourquoi ne pas plutôt valoriser ces sites déjà aménagés, au lieu de sacrifier un îlot de verdure ? L’urbanisme ne devrait-il pas aussi inclure la réflexion sur l’optimisation de l’existant ?

Entre nature et besoins urbains : un équilibre fragile

Ce cas illustre un dilemme bien connu en urbanisme :

  • Répondre à des besoins sociaux légitimes (sport, jeunesse, loisirs),
  • Tout en préservant les rares zones naturelles qui jouent un rôle vital pour la qualité de vie.

Et si le problème n’était pas le skatepark lui-même, mais le manque de vision globale dans les choix d’aménagement ?

Une consultation quasi absente… et une précipitation déroutante

C’est aussi ce que pointent les habitant(e)s du quartier notre association et l’association Sauvegarde Genève. Pourquoi ce terrain précisément ? Qui a été consulté ? Quelles alternatives ont été envisagées ? Est-ce que des alternatives ont même été envisagées ?
Le manque de concertation interroge, d’autant plus sur un sujet aussi sensible pour les habitants du quartier. Un caprice ? Assurément…

Ce projet pourrait — et aurait dû — être l’occasion d’impliquer les jeunes, les riverains, les écologistes, et d’imaginer ensemble un aménagement plus harmonieux.

Mais ce n’était visiblement pas l’idée de départ.

Certain·e·s élu·e·s ont tout fait pour accélérer le processus, poussant un projet mal préparé, truffé d’incohérences et d’amateurisme, comme s’il fallait coûte que coûte le faire passer… quitte à le faire au détriment des habitant·e·s, des amoureux de nature et des propriétaires de chiens qui, rappelons-le, occupent et entretiennent ce terrain depuis plus de dix ans.

Ce sont d’ailleurs ces mêmes personnes qui, sur leur temps libre et à leurs frais, assurent la préservation de ce lieu, veillent sur les plantes, et permettent à ce bout de verdure de rester vivant. Leur engagement aurait mérité d’être salué. Il a surtout été purement ignoré par les instances politique de la ville de Genève.

Penser une ville qui respire

Construire une ville durable, c’est aussi accepter de ne pas tout construire. C’est laisser des espaces vides — ou plutôt vivants. Des zones non programmées, non optimisées, mais qui jouent un rôle écologique irremplaçable.

Le projet du skatepark Montbrillant nous oblige à reposer cette question essentielle : quelles priorités voulons-nous donner à l’espace urbain ?

Il faut également rappeler que ce secteur est un îlot de chaleur extrême en été, cerné par les bâtiments, la zone ferroviaire et le Cycle d’orientation tout proche. Dans ce contexte, cet espace de verdure fait bien plus que “décorer” le quartier : il agit comme un véritable poumon de fraîcheur, essentiel pour le confort thermique des habitants, des élèves, et même de la biodiversité locale.

Et pourtant, certains continuent à le qualifier de “terrain vague” — une expression bien éloignée de la réalité. Car cette parcelle est soigneusement entretenue par des riverains engagés, des propriétaires de chiens respectueux, et les membres de l’association Nature Montbrillant, qui veillent au quotidien à sa propreté et au soin des plantes.

Il suffit d’y passer quelques minutes — ou de le comparer à d’autres parcs à chiens du canton, dont certains évoquent plus la surface de la lune que celle d’un parc — pour constater tout le travail invisible mais essentiel qui y est accompli.

Et maintenant ?

ll n’existe pas 36 solutions :

  • Il faut Identifier un site plus adapté, sans impact écologique fort.
  • Et il faut surtout lancer une vraie concertation citoyenne.

Et surtout, replacer chaque projet dans une vision d’ensemble : quel modèle de ville construisons-nous, au fil de ces petits choix apparemment anodins ?

Conclusion

Le débat autour du skatepark de Montbrillant dépasse largement la question d’un simple aménagement urbain. Il soulève une problématique plus profonde, plus urgente : quelle ville voulons-nous construire pour demain ?

Ce projet, voulu rapide et soit disant “fonctionnel”, met en lumière une vision passéiste de l’espace urbain où chaque parcelle doit être exploitée, souvent sans tenir compte des équilibres environnementaux ou des usages existants. Pourtant, cette parcelle n’est pas un “terrain vague”. C’est un lieu de vie, de rencontre, de respiration. Un espace que des habitants, des promeneurs, des bénévoles, entretiennent avec attention et conviction, bien loin de l’image qu’on tente parfois d’en donner.

En pleine crise climatique, sacrifier un îlot de verdure déjà intégré dans le tissu du quartier, – un terrain de surcroît perméable, pour y couler un enrobé bitumineux interroge. Beaucoup. Encore plus quand il existe des alternatives concrètes et déjà aménagées, à proximité, qui ne demanderaient qu’un coup de frais pour retrouver leur attractivité. Caprice ? Copinage politique ?

Ce projet pourrait être l’occasion de repenser nos priorités : écouter les habitants, reconnaître ce qui fonctionne déjà, valoriser ce qui a été construit avec soin — même sans plan d’architecte.

Finalement, il ne s’agit pas d’être contre le sport ou contre la jeunesse. Il s’agit d’être pour une ville intelligente, humaine et cohérente, où la nature, le lien social et les initiatives locales sont vus comme des forces… et non comme des obstacles au progrès.

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