Un article publié dans Le Matin le 6 juillet 2025 fait grand bruit. Intitulé “Une étude-choc révèle l’énorme impact écologique des chiens”, il relaye les travaux du biologiste australien Bill Bateman, en les enrichissant d’interviews locales, d’avis tranchés — et d’un édito qui n’y va pas de main morte.
Mais qu’en est-il vraiment ? L’impact écologique des chiens est-il sous-estimé, ou au contraire mal posé ? Entre vérités scientifiques, raccourcis médiatiques et responsabilité citoyenne, voici notre lecture critique.
Une étude utile mais partielle
L’étude, publiée dans la revue Pacific Conservation Biology, évalue trois axes d’impact :
- Effets sur la faune sauvage (prédation, dérangement, mortalité)
- Pollution chimique (urine, excréments, antiparasitaires)
- Empreinte carbone liée à l’alimentation
Ces thématiques méritent d’être étudiées. Mais le biais principal réside dans le cadre australien de l’étude, où les chiens errants ou laissés en liberté sont bien plus nombreux et problématiques qu’en Suisse ou en Europe.
L’appliquer tel quel à notre territoire peut donc exagérer certains effets, tout en occultant des leviers de responsabilité propres à notre réalité locale.
Une faune mise en danger ?
L’article évoque des cas spectaculaires : chiens tuant des manchots, faons mourant d’épuisement, marmottes traquées… Oui, les chiens peuvent avoir un impact réel sur la faune, surtout lorsqu’ils ne sont pas tenus en laisse.
Mais cela concerne une minorité de cas — et surtout, un manque d’encadrement humain, comme le souligne justement Jean-Marc Landry. En Suisse, des mesures existent : panneaux, sensibilisation, interdictions saisonnières. Il faut surtout les faire appliquer.
Ce n’est pas le chien le problème : c’est le laxisme de certains maîtres.
Pollutions invisibles, mais réelles
L’urine, les déjections, les antiparasitaires : autant d’éléments chimiques qui peuvent perturber des écosystèmes fragiles. Là encore, les faits sont scientifiquement fondés.
Mais là aussi, le problème est amplifié par le comportement humain :
- Non-ramassage des crottes
- Déjections répétées au même endroit
- Excès d’antiparasitaires chimiques
- Mauvaise gestion des aires canines
Objectivement, plutôt que d’accuser le chien, l’enjeu serait d’éduquer les humains à mieux partager les espaces urbains et naturels, avec des gestes simples et responsables.
Croquettes et empreinte carbone : la vraie surprise ?
La partie sur la nourriture canine suscite beaucoup de réactions. L’article affirme qu’un chien consomme autant de CO₂ qu’un jet privé. L’image est percutante… mais le parallèle est démagogique.
Oui, l’alimentation industrielle a un coût écologique.
Oui, le plastique, les circuits longs, les protéines animales posent question.
Mais : de nombreuses marques suisses ou européennes proposent déjà des alternatives durables, locales, végétales ou “mix” — comme évoqué à juste titre dans l’article.
Le problème est donc systémique, pas spécifique aux chiens : tout animal de compagnie, comme tout être humain, a un impact — qu’on peut réduire, pas diaboliser.
Une tribune utile… mais un peu à charge
L’interview de Jean-Marc Landry est probablement la partie la plus pertinente de l’article. Il rappelle une vérité fondamentale : nous avons perdu le lien avec nos chiens. Le manque de connaissance, de contrôle, de formation est flagrant.
C’est là que tout commence :
- Laisser un chien courir n’importe où
- Négliger les signaux de stress ou d’agressivité
- Penser qu’il se gère tout seul en nature
Ce sont ces attitudes qui créent les déséquilibres. Et non le chien en lui-même.
Une voie à suivre : éduquer, réguler, cohabiter
Plutôt que de jeter l’opprobre sur les chiens, il est temps de :
- Reconnaître les bénéfices sociaux et affectifs considérables qu’ils apportent
- Encadrer mieux leur présence dans l’espace public
- Créer des espaces pensés pour la cohabitation (parcs à chiens bien conçus, accès maîtrisé aux zones sensibles)
- Responsabiliser les maîtres sans les culpabiliser
La Suisse, et Genève en particulier, ont les moyens d’ouvrir un débat plus intelligent, fondé sur la science, l’écologie et le bon sens…
Pour aller plus loin…
- Quel est le véritable impact écologique des chiens et des chats
- Chiens domestiques et biodiversité
- VRAI OU FAUX. Nos animaux de compagnie menacent-ils la biodiversité et le climat ?